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Les téléphones portables, le plus souvent connectés à internet, sont devenus un outil du quotidien tant pour les usages privés que professionnels. Il est difficile de toujours faire la part de ces deux modes d’utilisation et bien des professionnels gardent avec eux leur téléphone allumé sur leur lieu de travail. EN 2009, la commission nationale informatique et liberté (Cnil) considérait qu’à la condition d’un usage raisonnable et non préjudiciable à l’employeur, l’usage personnel du téléphone est possible [1]. Cela autorise l’employeur à s’assurer que l’utilisation n’est pas abusive, dans le respect de la vie privée et des libertés des personnels. Les seules restrictions possibles à l’emploi du téléphone personnel doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché selon l’article L1121-1 du Code du travail. Le respect des libertés individuelles et collectives prohibe par ailleurs une interdiction généralisée de l’usage du téléphone par le règlement intérieur, conformément à l’article L1321-3 du Code du travail.
Cela nécessite donc d’identifier les usages acceptables, en particulier en établissement de santé et dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), sachant qu’environ 80% des infirmières utilisent leur téléphone sur leur lieu de travail à des fins à la fois personnelles et professionnelles [2]. Les principales objections à l’utilisation privée du téléphone sont la perturbation du service, la mise en cause de la sécurité des salariés ou des patients (ou résidents) et l’interférence avec les appareils électroniques. La perturbation du service résulte soit d’une réduction du temps de travail effectif, retardant, supprimant ou interrompant des tâches, soit de la distraction limitant la concentration en particulier sur les tâches les plus délicates. Il en résulte des conséquences de gravité variable tant sur la qualité du travail que sur la sécurité des patients : altération de la communication en équipe, perte d’information, défaut d’attention aux patients, violation de leur intimité, voire erreurs médicamenteuses [2]. Ces conséquences sont d’autant plus à craindre que les utilisateurs ont confiance dans leur capacité à maîtriser leur utilisation du téléphone, une majorité de soignants admettant une utilisation plus personnelle que professionnelle sur leur lieu de travail. Ces usages incluent l’envoi et la consultation de courriers électroniques ou de messages personnels, la lecture, les échanges sur les réseaux sociaux, les achats ou jeux en ligne. En outre, il a été établi que les téléphones portables transportent une quantité importante de germes pathogènes, source d’infection associée aux soins s’ils sont manuportés [3]. Le risque d’interférence électromagnétique avec les dispositifs médicaux est faible mais non nul, même dans des contextes comme le bloc opératoire ou les services de soins critiques [4].
En contrepartie, les téléphones portables permettent l’accès à des outils d’aide au diagnostic ou à la décision, comme les aides cognitives mises à disposition sur des applications mobiles par les sociétés savantes [5]. Ils permettent en outre des activités de loisir durant les moments de détente, contribuant ainsi à réduire le stress au travail [2]. Enfin, depuis juin 2022, même éteints, ils permettent d’être informé, via le système FR-Alert du ministère de l’intérieur, de la présence d’un danger et des comportements à adopter pour se protéger1.
Si les usages purement professionnels peuvent être accessibles au moyen de téléphones mis à disposition par l’établissement, il est difficile d’envisager que chaque professionnel puisse en disposer avec un accès internet limité aux seules ressources professionnelles. Préciser les conditions d’utilisation des téléphones personnels pendant les horaires de travail est donc indispensable. La charte d’utilisation est une solution raisonnable précisant les utilisations possibles. Elle permet de susciter une prise de conscience de l’ensemble des professionnels des risques que comporte leur utilisation au regard de ses avantages évoqués ici. Cette sensibilisation est d’autant plus importante que la perception de l’impact de l’utilisation privée est faible et que le niveau d’addiction est élevé [2]. C’est également l’occasion de rappeler que l’employeur est en droit de vérifier que l’utilisation privée du téléphone portable correspond à un usage raisonnable et non préjudiciable, sans pouvoir accéder au téléphone lui-même. Par ailleurs, la charte permet également de rappeler des règles élémentaires de cybersécurité, notamment le refus d’échanges de données entre les téléphones personnels et le système informatique de l’établissement. Des mesures simples peuvent être préconisées. L’appareil peut être en mode « avion » ou éteint, les notifications doivent être désactivées, le mode silencieux est requis pour les appels ou messages entrants. Seuls les usages personnels impératifs sont autorisés (forte contrainte familiale) en dehors des périodes de détente. L’utilisation peut être restreinte à un endroit dédié dans l’établissement. L’élaboration de la charte relève d’un consensus entre direction et professionnels.
Références
1- Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (Cnil). L’utilisation du téléphone au travail [internet]. Paris: Cnil; 5 mai 2009. Accessible à : https://www.cnil.fr/fr/lutilisation-du-telephone-au-travail (Consulté le 24-05-2024).
2- Fiorinelli M, Di Mario S, Surace A, Mattei M et al. Smartphone distraction during nursing care: Systematic literature review. Appl Nurs Res. 2021;58:151405. Doi : 10.1016/j.apnr.2021.151405.
3- Bhardwaj N, Khatri M, Bhardwaj SK, Sonne C et al. A review on mobile phones as bacterial reservoirs in healthcare environments and potential device decontamination approaches. Environ Res. 2020;186:109569. Doi: 10.1016/j.envres.2020.109569.
4- Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail (Anses). Compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des sources radiofréquences. Paris: Anses; 2016. 132 p. Accessible à : https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2011SA0211Ra.pdf (Consulté le 24-05-2024).
5- Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar). Aides cognitives en anesthésie-réanimation [internet]. Accesible à : https://sfar.org/espace-professionel-anesthesiste-reanimateur/outils-professionnels/boite-a-outils/aides-cognitives-en-anesthesie-reanimation/ (Consulté le 28-05-2024).
Note :
1- https://fr-alert.gouv.fr/ (Consulté le 24-05-2024)